jean-françois boclé
Jean-Louis Poitevin, France-June 2011--ref326
Jean-Louis Poitevin


Text wrote by Jean-Louis Poitvin, doctor of philosophy, wrtitter and art critic. This text is published in the catalogue of the International Frestival of Contemporary Sculpture "Escaut. Rives, dérives" (30 cities, 40 spaces, located along the Escaut River, Fleuve l'Escaut, between Cambrai and Valenciennes (northern France). 19 May-18 Sept 2011).


"L’autre face du masque blanc

Plus de huit mètres de long, près de trois mètre de large, une soixantaine de centimètres de haut et un éclairage fantomatique d’une dizaine d’ampoules, voilà, si l’on peut dire, le décor planté ou plus exactement l’œuvre décrite, à condition d’ajouter qu’elle est composée de paquets de cartons d’emballages ramassés ici où là à travers le monde et ficelés en paquets à peut près de même taille. Il s’agit de Boat de Jean-François Boclé.
Évoquer une poésie propre à cette œuvre n’est pas contradictoire avec ce à quoi cette œuvre nous contraint, c’est-à-dire de faire face à la part occultée par notre conscience de ce que pourtant elle « sait ». Les œuvres de Jean-françois Boclé sont politiques en ce sens qu’elles nous obligent à nous confronter avec cette irrationalité qui ne cesse d’agir au cœur de la « raison » dont on dit quelle gouverne le monde.
La poésie qui se dégage de Boat est celle des ruines. Car ce sont des ruines que ne cesse d’accumuler notre civilisation sous la forme des déchets qu’elle tente de détruire mais qui, cancer incontrôlable, continuent d’envahir la terre et les océans. Ainsi, ce bateau de cartons, s’il évoque inévitablement l’ensemble des questions qui nous hantent, celles liées à l’immigration et celles liées au colonialisme dont les conséquences ne sont pas, loin s’en faut, absentes de nos vies, on pourrait aussi le voir comme une sorte de métaphore de ces îles de déchets qui se sont formées au cœur des courants qui tournent en cercle dans les grands océans de la planète.
Si cette œuvre peut prétendre à incarner ces questions, c’est qu’elle est avant tout une sculpture. Composée de paquets eux-mêmes semblables à des sortes de briques de déchets, cette œuvre est en fait un agencement d’éléments semblables qui sont saisis, comme le ferait un dessin, au moment même où ils composent une forme. Cet agencement est cependant composé de telle manière qu’il nous fait ressentir avec force qu’il est aussi transitoire que nous le sommes.
Cette forme instable, mobile, en constant déplacement, est, au-delà des thèmes qu’elle évoque, la représentation et du drame intime de l’art et de celui de la vie. Car représenter, c’est saisir ce moment de la création où la forme se tient en suspens entre apparition et effacement.
Mais il y a aussi ce qui reste, ce qui va rester, ce que l’oubli ne pourra emporter. L’irrationalité dont cette œuvre témoigne est pourtant celle d’un oubli, ce nerf de notre servitude volontaire. Mais c’est nous qui oublions de voir, de regarder, d’écouter. Des voix ne cessent de nous le dire, des silences d’attirer notre attention sur ces voix, et nous nous obstinons à laisser s’accumuler les preuves de notre folie.
Avec Boat, Jean-François Boclé saisit cet instant où notre esprit et notre civilisation s’enlisent, où les formes qu’elle a créées meurent et où, surgissant de l’oubli, les restes de ses ruines à leur tour deviennent monde."

Jean-Louis Poitevin, avril 2011



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